Locus interne : quand « c’est de ma faute » devient toxique
- olivierbourand
- 8 sept.
- 4 min de lecture

Introduction : « J’ai échoué à ce projet, c’est entièrement de ma faute. » « Je n’ai pas été promu, c’est que je ne suis pas assez bon·ne. » « Si mon équipe ne performe pas, c’est que je n’ai pas su les motiver. »
Avoir un locus de contrôle interne est souvent présenté comme une force : on se sent acteur de sa vie, responsable de ses succès comme de ses échecs. Pourtant, quand ce mécanisme vire à l’obsession, il peut devenir une prison. La frontière est ténue entre responsabilité saine et flagellation. Comment distinguer l’une de l’autre ? Et surtout, comment éviter de sombrer dans la culpabilité stérile ou le syndrome de l’imposteur ?
1. Le piège du « tout est de ma faute »
Un locus interne poussé à l’extrême transforme chaque difficulté en échec personnel :
Un client mécontent ? « J’ai mal communiqué. »
Un collègue en burnout ? « Je n’ai pas su le soutenir. »
Un projet qui dérape ? « Je n’ai pas assez anticipé. »
Résultat :
Culpabilité chronique : Même face à des facteurs externes évidents (budget réduit, délais irréalistes), on s’attribue toute la responsabilité.
Syndrome de l’imposteur : « Si j’ai réussi, c’est par chance ou parce que les autres n’ont pas vu mes failles. »
Épuisement : On en fait toujours plus, par peur de « décevoir » ou de « ne pas mériter » sa place.
Exemple : Une manager, après un feedback négatif, passe ses nuits à ruminer : « J’ai tout gâché. » Pourtant, le contexte (restructuration, manque de moyens) a joué un rôle majeur. Où s’arrête sa responsabilité, où commence l’injustice du système ?
2. Les signes d’un locus interne toxique
Voici comment repérer que votre sens des responsabilités vous dessert :
Vous vous excusez pour des choses qui ne dépendent pas de vous (ex. : le mauvais temps lors d’un événement en extérieur).
Vous minimisez vos réussites (« C’est normal », « J’ai eu de la chance »).
Vous ruminez des erreurs passées bien après qu’elles soient réparées.
Vous avez du mal à déléguer, par peur que les autres « fassent moins bien ».
Question clé : « Est-ce que je me traite avec la même bienveillance que j’accorderais à un ami dans la même situation ? »
3. Pourquoi tombons-nous dans ce travers ?
Plusieurs causes expliquent cette tendance :
Éducation : Des parents ou enseignants exigeants qui liaient amour/valeur à la performance.
Culture du travail : Des environnements où l’on valorise le « toujours plus » et où l’échec est tabou.
Peur de l’impuissance : Assumer que certains événements nous échappent peut être angoissant. Mieux vaut tout porter que rien contrôler.
4. Trouver l’équilibre : 5 clés pour un locus interne sain
a. Distinguer responsabilité et culpabilité
Responsabilité : « J’ai contribué à ce résultat, je peux en tirer des leçons. »
Culpabilité : « Tout est de ma faute, je suis nul·le. »
Exercice : Pour chaque situation, notez :
Ce qui dépendait vraiment de vous.
Les facteurs externes (contexte, autres acteurs, hasard).
Une action concrète pour améliorer le point 1 (sans vous attarder sur le reste).
b. Accepter l’imperfection
Remplacez « Je dois tout maîtriser » par « Je fais de mon mieux avec les informations que j’ai. »
Célébrez les progrès, pas seulement les résultats parfaits.
c. Pratiquer l’auto-compassion
Parlez-vous comme à un ami : « Tu as fait ce que tu pouvais. Qu’est-ce que tu peux apprendre ? » (au lieu de « Tu es nul·le »).
Utilisez la technique des 3 points positifs : Chaque soir, notez 3 choses que vous avez bien faites dans la journée.
d. Apprendre à déléguer (vraiment)
Déléguer, c’est faire confiance – à soi (j’ai choisi la bonne personne) et aux autres (ils ont des compétences).
Testez : Confiez une petite tâche sans reprendre la main, puis augmentez progressivement.
e. Réévaluer ses croyances
*« Si je ne suis pas parfait·e, je ne mérite pas mon poste. » → « Ma valeur ne dépend pas d’une performance isolée. »
*« Tout dépend de moi. » → « Je fais partie d’un écosystème, je ne suis pas seul·e. »
Outils :
Journaling : « Qu’est-ce que je contrôle ? Qu’est-ce qui m’échappe ? »
Coaching : Pour travailler sur des croyances ancrées (« Je dois tout porter »).
5. Quand le locus interne cache une peur
Derrière cette hyper-responsabilité se cachent souvent :
La peur de l’abandon : « Si je ne suis pas indispensable, on ne m’aimera plus. »
La peur de l’échec : « Si je rate, je suis un·e imposteur. »
La peur du jugement : « On va voir que je ne suis pas à la hauteur. »
Piste de réflexion : « Qu’est-ce que je crains vraiment si je lâche prise sur ce qui ne dépend pas de moi ? »
6. Le juste milieu : entre responsabilité et lâcher-prise
Un locus interne équilibré, c’est :
✅ Assumer ses choix sans s’accabler.
✅ Reconnaître ses limites sans se dévaloriser.
✅ Agir sur ce qui dépend de soi, et accepter le reste.
Exemple inspiré : Un chef de projet, après un échec, analyse :
« J’ai sous-estimé les risques logistiques (responsabilité) → Prochaine fois, je prévois un plan B. »
« Le client a changé ses exigences en cours de route (facteur externe) → Je ne peux pas tout anticiper. »
Conclusion : La liberté de ne pas tout porter Porter ses responsabilités est une force. Se charger de tout est un fardeau.
La clé ? Passer de « C’est de ma faute » à « Qu’est-ce que je peux en apprendre ? » – sans nier les réalités externes, mais sans non plus les intérioriser comme des échecs personnels.
« Être responsable, ce n’est pas tout contrôler. C’est choisir où mettre son énergie. »
Et vous, dans quelle situation avez-vous confondu responsabilité et culpabilité ? Partagez vos expériences en commentaires !
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